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Prédication sur Marc 1,4-8

Le 10 décembre 2023 par dans Evangile

T. CAUDWELL

10 décembre 2023

Introduction : Un personnage singulier

Marc choisit d’ouvrir son Évangile par un personnage singulier. Ce personnage c’est Jean, Jean « le Baptiste » ou « le baptiseur ». Ce personnage de Jean le Baptiste nous est tellement familier, qu’on en viendrait à passer à côté d’une curiosité : Marc ne nous le présente pas: « Jean le Baptiste paru dans le désert », est-il écrit, sans qu’il nous soit donné plus de détails sur le personnage.

Juste avant cette « apparition », par le rappel des versets du prophète Esaie, Marc ancre le récit et le personnage dans le plan de Dieu. Mais contrairement à Luc, qui prend le temps sur plusieurs chapitres de nous présenter ses parents et sa parenté avec Jésus, de nous raconter sa naissance et sa jeunesse, Marc est très succinct. Lapidaire, même.

L’auteur nous décrit son activité (il baptise des gens), et nous décrit son habillement (poil de chameau et ceinture) ainsi que son régime alimentaire (sauterelles et miel sauvage).

Il est étrange que dans un récit aussi concis, Marc prenne le temps de nous préciser ces détails étranges. Comme si la seule chose qu’il tenait à ce que le lecteur sache, c’est que Jean est un marginal.

La surprise n’est pas là où l’on croit

En tant que lecteur chrétien du XXIème siècle, il est probable qu’on ne se laisse pas surprendre par les bonnes choses.

Son vêtement

En effet, le vêtement (si l’on peut parler de vêtement !) de Jean fait directement écho à la manière dont le prophète Elie était lui-même vêtu : > 2 Rois 1,7 : > 7Le roi [Akhaz] leur dit : « Comment était cet homme qui est monté à votre rencontre et qui vous a dit ces paroles ? » 8Ils lui répondirent : « C’était un homme qui portait un vêtement de poils et un pagne de peau autour des reins. » Alors il dit : « C’est Elie le Tishbite ! »

Non seulement l’habit est semblable à celui d’Elie, mais c’est même une de ses caractéristiques puis que c’est à ça qu’il est reconnu. On peut lire également dans Zacharie 13,4, où il est question d’élimination de faux prophètes : > 4En ce jour-là, chaque prophète rougira de sa vision pendant qu’il prophétisera et il ne revêtira plus le manteau de poil pour tromper. 5Il protestera : « Je ne suis pas un prophète, je suis un paysan, moi. Je possède même de la terre depuis ma jeunesse. »

On comprend par là que le manteau de poil est un attribut caractéristique des prophètes, puisque c’est justement l’attribut qu’utilisent ceux qui veulent se faire passer comme tel. On pourrait dire d’une certaine manière que « l’habit faisait le prophète ».

Ainsi, si l’étrange description de Marc fait passer Jean pour une personne un peu suspecte à nos yeux, au contraire, aux yeux des Juifs de l’époque, c’était probablement un élément qui invitait à le prendre au sérieux ! D’ailleurs on pourra lire plus loin (Mc 6,14ss), qu’il a l’attention et l’estime du roi Hérode lui-même, même si sa liberté de parole lui sera fatale.

Son régime alimentaire

Sur son régime alimentaire, on peut lire dans le lévitique :

Lv 11,21 20Toute bestiole ailée qui marche sur quatre pattes sera pour vous une horreur. 21Toutefois, de toutes les bestioles ailées marchant sur quatre pattes, voici celles que vous pouvez manger : celles qui, en plus des pattes, ont des jambes leur permettant de sauter sur la terre ferme. 22Voici donc celles que vous pouvez manger : les différentes espèces de sauterelles, criquets, grillons et locustes. 23Mais toute bestiole ailée qui a simplement quatre pattes sera pour vous une horreur.

Ce passage ferait bondir les entomologistes (spécialistes des insectes) : bien sûr, les insectes ont 6 pattes ! Mais il semble qu’ici on fasse la différence entre les pattes « pour marcher » et les pattes « pour sauter ». Bref, sans entrer dans les détails, le texte indique clairement, qu’au contraire des autres insectes, les sauterelles ou les criquets ne sont pas impurs et peuvent donc être consommés. Jean-Baptiste respecte donc les préceptes de la loi mosaïque.

Mais au delà, je note que vivre dans le désert, se nourrir de sauterelles et de miel sauvage – donc de ce que la nature donne, sans qu’il soit besoin de cultiver ou de stocker – sont des indices d’un mode de vie simple, qui permet une grande proximité avec Dieu. Jean, dont les ascendances familiales lui aurait valu une situation probablement plus confortable, a choisi de vivre dans la solitude et de dépendre de Dieu pour sa subsistance.

Le baptême

Ce qui devrait nous surprendre un peu plus concerne tout le reste : la pratique du baptême, tout d’abord. Après 2000 ans de christianisme, tout le monde aujourd’hui peut se faire une idée de quoi on parle, y compris dans le monde laïc. Cela est beaucoup moins évident pour les contemporains de Jean. Car bien que cet acte s’apparente à des rituels de purification déjà présents dans différentes communautés religieuses de l’époque, il revêt ici une certaine originalité. En effet, cette immersion est destinée à tous (pas seulement à une catégorie de personnes), elle est administrée par Jean lui-même, elle est définitive (pas à renouveler périodiquement), et elle s’accompagne d’une confession explicite des péchés de la part de la personne (une parole accompagne le geste, qui ne se suffit pas à lui-même).

Le souffle

Encore plus étonnant, c’est le succès que cette proposition rencontre : « Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui » nous dit Marc. Quel succès ! Un succès d’autant moins attendu quand on sait par ailleurs le type de harangue que Jean pouvait tenir à la foule : « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? » (Luc 3,7)

Ce passage me fait penser au récit d’un Réveil que j’ai lu il y a quelques années et qui m’a beaucoup marqué. Cela se passe en 1835 dans le petit village de Möttlingen (30 km à l’ouest de Stuttgart), dans la paroisse d’un certain Jean-Christophe Blumhardt : à la suite d’un combat spirituel particulièrement intense, dans lequel le pasteur se retrouve embarqué malgré lui, une délivrance spectaculaire a lieu chez une jeune femme de la paroisse. Dans les mois qui ont suivit, un embrasement s’est opéré dans la population des alentours : les uns après les autres, un grand nombre de personnes, y compris parmi les plus réfractaires, se sont trouvées prises d’un besoin urgent et irrépressible de confesser leurs péchés.

[Lettre d’un collègue de Blumhardt:] Blumhardt a exercé pendant cinq années un ministère zélé et laborieux. Il semblaitque le mal empirât – le niveau moral baissait, la vie intérieure des hommes, autrefois pieux, décliant, mais, voici que depuis quelques semaines, a éclaté un embrasement, qui va s’étendant de jour en jour. Les uns et les autres, même les plus récalcitrants et les plus matériels, viennent, le coeur angoissé, auprès du pasteur. Ils sont oppressés, ils versent des larmes, ils confessent leurs péchés, et tous obtiennent la paix qu’ils cherchent. Les crimes avoués font peur, mais ils sont avoués. Au moment où je t’écris, plus de cent cinquante personnes se sont déjà confessées. Il y a des octogénaires, il y a des enfants. Cette flamme s’est étandu jusqu’à l’Annexe, où régnait, autrefois, l’indifférence le plus absolue. Dans ce dernier village, plus de vingt personnes se sont ouvertement confessées.

[Lettre de Blumhardt lui-même :] Comment pourrais-je m’en tirer ? Je ne sais. Tout ce monde verse des larmes de repentance. Je crains de ne pouvoir suffire à ma tâche. Songe à la variété des caractères, aux crimes et aux abominations, dont le récit souvent me confond, et tu comprendras les difficultés extrêmes de ma situation ! Les réunions privées, soit au village, soit à la cure, attirent un si grand nombre de gens, que je serai obligé d’en organiser de nouvelles.

(Jean-Christophe Blumhardt, homme de grande foi, F. Grin, Plough Publishing House, pp54-55)

Ce type d’événement n’est pas isolé dans l’histoire. Ils sont autant de preuves qu’à Son initiative, Dieu peut par son Esprit susciter un élan du cœur parmi son peuple, qui dépasse ce qu’on peut imaginer. Je crois bien que sur les bords du Jourdain, il y a 2000 ans, il a du se passer quelque chose de ce type. Jean Baptiste n’a pas convaincu par sa seule prédication. Si les cœurs ont été touchés, c’est bien parce que Dieu est à l’œuvre dans la vie des personnes.

Cela a de quoi nous rassurer : nous ne « convertissons » pas les gens : une fois la Parole proclamée, c’est Dieu qui fait le travail dans leur coeur. Voilà qui m’enlève un sacré poids, à moi qui vous parle ce matin !

Jean connaît Jésus par révélation

On l’a vu, Marc n’évoque pas du tout la parenté de Jean. Ainsi, contrairement au récit de Luc, où la proximité familiale laisse supposer que Jean et Jésus se connaissent bien (dès avant la naissance, puisque Jean « tressaille » dans le ventre d’Élisabeth sa mère), ici on serait plutôt tentés de penser que la connaissance de Jean vient par révélation, comme les prophètes de l’AT.

Tout prophète qu’il est, et malgré son influence et son ministère florissant, s’il est capable de dire « je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales » (une tâche d’ordinaire dévolue aux esclaves), c’est probablement bien davantage par la proximité spirituelle qu’il entretient avec Dieu que par une quelconque proximité familiale.

En cela Jean-Baptiste nous ouvre effectivement la voie : Marc nous donne le témoignage inspirant d’un homme dont le ministère ne repose pas sur une éducation religieuse probablement riche, mais sur une expérience vécue dans le silence d’un désert. Cela a de quoi nous inspirer !

Préparez-vous !

Dans sa solitude, dans sa proximité avec Dieu, Jean a compris qui était Jésus. Il sait qu’il est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs. Et il sait qu’il vient bientôt. « Préparez-vous, Il arrive ! »

Imaginez qu’au travail, vous apprenez la visite imminente du grand patron de la boîte. Ne vous empresseriez-vous pas de prévenir vos collègues de tout mettre en ordre, en urgence ? Ou bien imaginez qu’une personne que vous estimez beaucoup s’annonce pour dîner chez vous. Ne vous empresseriez-vous pas de faire le nécessaire afin que la maison soit en ordre quand il arrive ?

Je crois que Jean, vit le même type d’urgence : dépêchez-vous de mettre votre vie en ordre, car le Grand Roi arrive ! C’est le sens du baptême de conversion/repentance qu’il proclame.

Ouverture sur l’Avent

Nous sommes aujourd’hui le deuxième dimanche de l’Avent. Ce temps de l’Avent, qui nous mène à Noël nous rappelle combien Dieu prend soin de préparer les choses. Comment la venue de son Fils Jésus a été préparée, des siècles avant, par la parole des prophètes. Et ici nous voyons comment juste avant que Jésus ne débute son ministère, Il a envoyé un messager. Dieu ne triche pas, et ne prends pas les gens par surprise.

Mais pour le recevoir, une certaine disposition du cœur est nécessaire. On ne fait pas asseoir le Seigneur de l’Univers sur un tabouret bancal dans une pièce sale et en désordre.

Et pourtant, cette période de l’Avent nous permet de nous souvenir aussi, que Jésus petit enfant est né dans la mangeoire d’un animal, au fond d’une étable…! S’il attend de nous que nous nous préparions à le recevoir, Il accepte de nous rejoindre dans nos misères. Laissons-Le entrer, c’est Lui qui mettra de l’ordre pour établir son Règne en nous !

Nous nous identifions donc facilement à cette foule, et cet appel à la repentance lancé par Jean nous est effectivement destiné, et toujours renouvelé.

Conclusion pour nous aujourd’hui

Mais je crois qu’en tant que chrétiens, nous sommes aussi invités à nous inspirer de Jean-Baptiste.

Et nous, frères et sœurs, parvenons-nous à entendre la voix de Dieu comme Jean-Baptiste ? Cela fait-il progresser notre connaissance de Jésus ?

Jésus est-il notre « bon pote », notre « ami imaginaire », ou bien prenons-conscience conscience qu’effectivement nous ne sommes pas dignes de délier la lanière de ses sandales ?

Prenons-nous seulement du temps de « désert » dans nos vies, pour Le laisser se révéler à nous ?

Serions-nous prêts, comme Jean-Baptiste à proclamer sa Parole quitte à être perçus comme des marginaux (ou plutôt comme « mis-à-part », ce qui est le sens du mot « saint » ? Et croyons-nous que Dieu accompagne sa Parole par son souffle dans la vie des personnes ?

Enfin, percevons-nous l’imminence de son retour en gloire, et la nécessité de « mettre notre vie (et celle de l’Église) en règle » ?

le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18,8)

Amen.